Page:Carco - L'Homme traqué, 1922.djvu/10

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ramassés dehors et en confectionnaient pour leur usage des cigarettes. Certains expédiaient un restant d’arlequin qu’ils dépliaient d’un vieux journal. Enfin, près de la porte, une femme sans âge, qu’on appelait « la mère tout le monde », regardait dans la rue et guettait l’arrivée des habitués pour les implorer, un à un, d’un air digne.

Étrange retraite que ce débit ! resserrée en façon de couloir, malpropre, pleine d’une poisseuse humidité… Mais elle avait son caractère, quand, se mêlant aux malheureux qui en formaient la peu brillante pratique, des prostituées en cheveux et grossièrement maquillées y venaient à la nuit se chauffer près du poêle… On voyait, là, Renée qui portait un chandail, Mme Berthe et son parapluie, Gilberte la poitrinaire, la grosse Thérèse, Yvette, Gaby, Lilas, une Bretonne, et Léontine dont on racontait qu’elle s’était enfuie de sa famille pour « faire la vie ».

Lampieur connaissait plusieurs de ces filles qu’il croisait invariablement aux alentours d’un hôtel borgne quand il allait à son travail… Parfois, elles lui disaient bonsoir.