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Page:Carco - L'Homme traqué, 1922.djvu/138

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le droit, aux yeux de tous, de faire ce qu’il voulait. Mais les compagnes de Léontine ne jugeaient pas les choses de la même manière et elles avaient quelque surprise de cette liaison dont elles parlaient parfois, quand Léontine n’était pas là, et elles y flairaient un mystère.

Il y avait, évidemment, un mystère dans tout cela et on ne pouvait pas en douter, pour peu qu’on y prît garde, car rien n’était plus disparate qu’une telle union. L’air soucieux de Lampieur, ses façons ennuyées et bourrues, la réserve de Léontine près de cet homme, frappaient tout aussitôt. Ils avaient beau se montrer ponctuels, l’un et l’autre, aux rendez-vous qu’ils se donnaient, ni l’un ni l’autre n’y apportaient assez d’élan ou de plaisir. Assis à la même table, ils buvaient sans se dire un seul mot… Une indifférence réciproque les isolait d’eux-mêmes plus qu’on ne l’eût pu croire… Qu’est-ce que cela signifiait ? On ne le savait pas. Cela sortait des habitudes… Enfin, quand Lampieur appelait le garçon et payait les consommations, on avait remarqué bien souvent qu’il quittait Léontine