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Page:Carco - L'Homme traqué, 1922.djvu/139

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sans lui adresser même le bonsoir et que celle-ci demeurait à sa place, immobile et silencieuse, comme perdue dans un rêve.

Sombre rêve, s’il en fut… Mais qu’aurait-on pensé de Léontine et de Lampieur si on les avait vus chez eux, quand ils rentraient et se mettaient au lit ? Ils n’échangeaient pas une parole. Lampieur se couchait le premier. Il suivait un moment du regard sa compagne, dans la chambre, puis il s’endormait et Léontine, en s’étendant à ses côtés, finissait à son tour par le suivre et le rejoindre au fond d’un noir repos peuplé de cauchemars.

C’était là qu’ils se retrouvaient. Un même tourment les possédait… Il leur faisait toucher du doigt l’abominable nécessité qui les forçait ensemble à se réfugier, hors des réalités, dans un monde de frayeurs et de perpétuelles angoisses. Durant tout leur sommeil, à travers l’enchevêtrement confus de leur conscience, ils se cherchaient et se donnaient l’illusion de se comprendre et de se soutenir. Léontine n’en était jamais lasse. Elle apportait à cette cause un zèle infatigable. Elle s’y dépensait sans