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Page:Carco - L'Homme traqué, 1922.djvu/150

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Ils l’éclairaient sur la conduite qu’elle se devait d’observer vis-à-vis de Lampieur pour qu’il en supportât, s’il l’apprenait, la touchante ambition. De la sorte, Léontine n’avait pas à parler… Elle errait, décrivant lentement autour de la boulangerie une ronde vigilante, dont le cercle peu à peu se rétrécissait pour s’arrêter enfin, à trois maisons plus haut, dans un bar d’où Léontine, sans y paraître, surveillait attentivement la rue et se tenait prête à prévenir Lampieur dans le cas du moindre danger. Mais, dans ce bar, au milieu des buveurs, Léontine se sentait chaque nuit prise d’une pitié baroque pour Lampieur et elle ne lui résistait pas. Elle s’abandonnait à cette pitié ; elle lui trouvait un goût étrange. Pour elle, c’était comme une raison de mieux tenir à Lampieur que de le plaindre ; elle en avait la conviction et à la longue elle ne distinguait plus quels sentiments entraient dans cette pitié, si elle ne leur devait pas presque un involontaire plaisir.

Ce bar, où Léontine échouait à présent toutes les nuits, avait pour habitués des débardeurs, des hommes de peine et quelquefois de vieilles