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Page:Carco - L'Homme traqué, 1922.djvu/154

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appréhensions. Lampieur le lui avait maintes fois proposé. Mais Léontine ne voulait pas. Là-bas, du moins, elle avait à ses yeux l’excuse de veiller sur Lampieur et de se rendre compte qu’il n’était menacé d’aucun danger, tandis qu’ici que n’aurait-elle imaginé ?… C’eût été pis encore. Elle y serait devenue folle ; elle n’y aurait pas pu tenir. Parfois, près de Lampieur, dans cette chambre, elle se sentait si oppressée qu’elle éprouvait comme une envie obscure de tout quitter et de partir, droit devant elle, au hasard de Paris, dans les rues, et d’essayer d’y vivre une autre vie. Le pouvait-elle ? Aussitôt, la présence de Lampieur la rappelait à la réalité et lui faisait entendre qu’une telle envie, Lampieur peut-être aussi la partageait et qu’il en souffrait autant qu’elle… Pourquoi ne lui cédait-il pas ? Léontine n’osait pas y penser. Elle n’eût plus rien été sans Lampieur, car il l’avait tirée hors de sa voie et préparée à de si curieuses destinées qu’elle redoutait d’être incapable de reprendre, comme avant, son ancienne existence et d’en porter le poids. Ce poids était trop lourd pour elle. Il l’aurait