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Page:Carco - L'Homme traqué, 1922.djvu/168

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re. La malheureuse y était décidée. Elle n’attendait plus rien d’un pareil homme. Sa grossièreté, sa sécheresse de cœur avaient eu raison de ses dernières résistances. Léontine ne le plaignait plus : elle éprouvait plutôt du mépris et de la rancune pour Lampieur, et elle n’en souffrait point. Le bien-être qu’elle avait ressenti tout à l’heure la gagnait, jusqu’au fond d’elle-même. Quelle délivrance, quel repos l’absorbaient ! Elle ne savait encore y croire et, cependant, elle comprenait, elle constatait qu’après tant de fatigues et de tourments, il lui était permis de se détendre et de goûter aux calmes délices d’un absolu détachement…

La nuit descendait, une nuit pure, fondante, molle et, — comme dégrafée, une écharpe glisse et tombe, — elle entourait Léontine et la pénétrait de douceur. Peut-être était-ce la première nuit de printemps… Elle en avait déjà la force égale et tendre sur Léontine qui s’étonnait de l’accueillir sans larmes ni dégoût… Pourtant, par une nuit si différente des autres, Lampieur devait avoir quitté le restaurant. Quelles idées l’agitaient ? Quels sentiments obscurs ?… Léontine