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Page:Carco - L'Homme traqué, 1922.djvu/171

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elle se reprocha sa faiblesse… L’idée que Lampieur, au petit jour, reviendrait seul dans cette chambre, qu’il se coucherait dans ce lit et s’y éveillerait le lendemain, l’attendrissait. Léontine ne pouvait supporter cette idée. Elle avait beau tenter de s’y habituer, elle avait beau vouloir partir, elle dut faire un effort immense avant de se lever, de se diriger vers la porte, de l’ouvrir… Là, elle faillit manquer tout à fait de courage. Mais, tout de même, la porte était ouverte et Léontine n’eut qu’à la tirer derrière elle et elle se crut sauvée… Sauvée de qui ?… Au milieu des passants, Léontine y pensa. Elle n’était pas sauvée de Lampieur. Quelle pitié ! Jamais plus qu’à présent, il n’avait exercé sur elle de sombre fascination. Ah ! il la tenait bien… Il était fort… Même à distance, le noir pouvoir qui émanait de lui conservait sa malsaine attirance. Léontine n’y échapperait pas… D’ailleurs, avait-elle eu vraiment la volonté de se séparer de Lampieur ? Si réel qu’eût été son désir, il l’abandonnait à présent ; il cessait de la soutenir et la pauvre fille comprenait qu’elle était impuissante à ne pas obéir à son destin.