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Page:Carco - L'Homme traqué, 1922.djvu/200

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s’accusât, par moments, devant elle, d’être l’auteur d’un crime ? Il ne lui apprenait rien de nouveau. Pensait-il l’attendrir ? Il était maintenant trop tard. Quant à trouver dans ces révélations une sorte d’épouvante et de méticuleuse horreur, Léontine ne le voulait plus. Elle en avait assez. Les regrets qu’elle avait ressentis, l’autre nuit, à la vue des cinq ou six filles qui remontaient des Halles, la travaillaient. Elle songeait au temps où, comme ces filles, elle remontait la même rue, avec insouciance. Où était ce temps-là ? Léontine se le demandait… Reviendrait-il ? Elle soupirait après lui. Au moins, ces malheureuses — malgré la servitude où elles passaient les nuits — étaient libres ensuite. Léontine comparait à la leur son existence gâchée. Quels contrastes ! quelles déceptions ! Était-ce possible ? Il avait, à coup sûr, fallu que Léontine eût perdu la raison pour accepter de vivre comme elle vivait avec Lampieur quand elle aurait pu demeurer ce qu’elle était et ne rien souhaiter qui l’en changeât. Maintenant, seulement, la pauvre fille se rendait compte du