Page:Carco - L'Homme traqué, 1922.djvu/30

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heures et ne savait que devenir. Les Halles, désertes à cette heure, luisaient de leurs carreaux humides sous des lumières. Une odeur de marée s’en dégageait, amère et froide, qui emplissait les rues voisines où les détritus de la veille, et quelquefois de l’avant-veille, s’aggloméraient dans les ruisseaux.

Chez Fouasse, une atmosphère qui prenait à la gorge et qui puait la pipe mouillée et le vieux pauvre régnait. Lampieur en avait l’habitude. Elle ne l’incommodait pas. Il la respirait au contraire avec les délices d’un homme qui est sorti d’un cauchemar et en éprouve la certitude.

Or, chaque fois qu’il pénétrait chez Fouasse, maintenant, Lampieur apercevait Léontine qui entrait, elle aussi, dans le débit ou en sortait et, chaque fois, au regard que lui jetait cette fille, Lampieur se défendait mal de l’étonnement qu’il avait de la trouver si souvent sur sa route. Il remarquait que Léontine était toujours seule quand il la croisait et qu’elle n’avait plus le même air. Cela lui parut singulier. Qu’avait-elle donc qu’elle semblait changée ? Ses yeux étaient comme agrandis. On ne voyait plus qu’eux