Page:Carco - L'Homme traqué, 1922.djvu/31

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dans le visage et ils brûlaient d’une fièvre qui leur communiquait une expression douloureuse de lassitude et d’égarement. Lampieur s’en rendait compte. Cependant, comme il se méfiait de lui, il évitait d’attribuer à toute autre cause que le hasard ces rencontres de plus en plus fréquentes, où il sentait que Léontine tâchait à l’approcher… Que pouvait-elle lui vouloir ? Et pourquoi, si elle avait vraiment quelque chose à lui dire, y mêlait-elle une si sournoise bizarrerie ? Il n’osait pas conclure… Il hésitait… Il avait peur de Léontine. Et, à mesure que l’heure de reprendre son travail approchait, cette peur devenait malaisée à combattre et Lampieur ne savait quelle attitude hostile lui opposer.

Dans sa tête, désormais, l’idée n’était pas seule à remuer un vague fantôme et à l’associer aux louches intrigues que Lampieur forgeait de toutes pièces et dirigeait contre son propre repos. À cette idée s’ajoutait celle de Léontine. Il la trouvait partout. L’idée prenait corps. Elle avait un visage : le corps et le visage de Léontine, ses yeux ouverts et fascinés, sa démarche, ses manières, son obstinée douceur, l’égarement