Page:Carco - L'Homme traqué, 1922.djvu/46

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utrement.

Il avança, penché sur elle, un regard sombre, des mains crispées, son souffle, tout un tourment lourd d’épouvante.

— Non, non ! se défendit Léontine.

Lampieur eut une espèce de rire rauque et déconcertant, et, ramenant à lui, enfonçant dans ses poches les deux énormes mains dont il semblait vouloir frapper la malheureuse, il se redressa et attendit. Léontine se taisait. Elle fixait en avant un point vague et la terreur qui se saisissait d’elle la faisait grelotter, pliée, cassée en deux, contre le mur où elle demeurait adossée.

— Eh bien ? brusqua Lampieur.

Il était étonné d’avoir pu s’empêcher de prendre Léontine et de la secouer pour l’obliger à lui répondre. Mais est-ce qu’elle allait rester longtemps ainsi ? Il la considérait, l’examinait avec une pesante attention… et il n’avait plus peur. Il avait maîtrisé sa peur. Elle s’en était allée. Une impression de vide, d’absence presque de soi-même creusait, comme dans son être, un trou profond, béant, mystérieux autour duquel tout paraissait pris de vertige et d’inquiétude…