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Page:Carco - L'Homme traqué, 1922.djvu/47

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Tout, sauf lui-même, et, quand son attention se reportait sur Léontine, l’impression était encore plus forte de cet abîme qu’il se sentait en quelque sorte devenu pour y faire basculer un poids immense… C’était ce poids qui lui pesait dessus et l’empêchait de faire un mouvement ou de bouger de devant Léontine. Il paralysait toute sa force, la retenait ailleurs, très loin, nulle part, en dehors de l’espace et du temps, occupée au labeur gigantesque de l’ébranler d’abord, ce poids, puis de le déplacer, de le rouler, de le faire pencher sur l’abîme… Lampieur se secoua.

— Vous ne voulez point me parler ? insista-t-il.

Ses mains, qu’il tenait dans les poches de son pantalon, étaient si lourdes qu’il lui paraissait impossible de les retirer d’où il les avait mises pour les lever sur Léontine. Mais à quoi bon ! La malheureuse avait assez peur comme cela. Ses dents s’entre-choquaient ; son corps tout entier tremblait et elle hochait parfois la tête ou la balançait lentement par saccades, avec un plus grand tremblement, à mesure, des mains et des épaules.