Page:Carey - Principes de la science sociale, Tome 1.djvu/235

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même, à mesure que se développe l’utilité de la matière première qui l’entoure.

Le pauvre cultivateur des premiers temps commence ses travaux, ainsi que nous l’avons vu, sur les flancs des collines. Au-dessous de lui se trouvent les terrains qui, pendant plusieurs siècles, ont reçu les eaux des terrains supérieurs, en même temps que les feuilles des arbres et les arbres tombés eux-mêmes, dont la totalité, de temps immémorial, s’est décomposée et s’est incorporée à la terre, formant ainsi des sols devenus susceptibles de donner au travailleur la plus ample rémunération. Cependant, par ce motif, ceux-ci sont inaccessibles. Leur nature se révèle dans les grands arbres dont ils sont couverts, et dans leur faculté de retenir l’eau nécessaire pour favoriser l’œuvre de décomposition ; mais le pauvre colon n’a pas le pouvoir de débarrasser ces mêmes sols de leur bois, ou de les drainer pour enlever l’excédant d’humidité. Il commence ses travaux sur le penchant de la colline ; mais en même temps que sa famille augmente et que se perfectionnent ses instruments de culture, nous le voyons descendre des hauteurs, et non-seulement se procurer pour lui-même une plus grande quantité de subsistances, mais encore les moyens de nourrir le cheval ou le bœuf dont il a besoin pour l’aider dans ses travaux. Grâce à l’engrais que lui ont rapporté les terres de meilleure qualité, nous voyons ses successeurs reprenant immédiatement la trace de ses pas, améliorant le flanc de la colline, et la forçant de donner un revenu deux fois plus considérable que celui qu’on obtenait primitivement. A chaque pas qu’ils font pour descendre, ils obtiennent pour leur travail une plus ample rémunération, et chacun de ces pas les ramène avec un accroissement de puissance, à la culture du sol primitif et ingrat. A cette heure ils possèdent des chevaux et des bœufs ; et tandis qu’avec leur secours ils tirent, de sols nouveaux, un engrais accumulé depuis plusieurs siècles, ils possèdent aussi des charrettes et des wagons pour le transporter sur la colline ; et à chaque progrès nouveau, leur rémunération augmente, tandis que leurs labeurs diminuent. Ils reviennent au sable et apportent de la marne, dont ils recouvrent la couche superficielle de la terre ; ou bien ils reviennent à l’argile et y incorporent de la pierre à chaux, et par ce moyen doublent leurs produits. Pendant tout cet intervalle ils fabriquent une machine, qui les nourrit dans le moment même où