Page:Carey - Principes de la science sociale, Tome 1.djvu/236

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ils la fabriquent, et dont la puissance augmente à mesure qu’on lui enlève davantage. Dans le principe, elle était sans valeur, mais aujourd’hui qu’elle les a nourris et vêtus pendant plusieurs années, elle a acquis un tel degré d’utilité que ceux qui voudront en tirer parti, devront, pour en obtenir le droit, payer une large rétribution.

La terre est une immense machine qui a été donnée à l’homme pour être façonnée à son usage. Plus il la façonne, mieux elle le nourrit, parce que chaque progrès ne fait qu’en préparer un nouveau plus productif que le dernier accompli, exigeant moins de travail et donnant un plus large revenu. Le travail du défrichement est considérable ; cependant le revenu qu’il donne est faible, la terre étant couverte de débris de troncs d’arbres et jonchée de racines. Chaque année, celles-ci se décomposent, et la fertilité de la terre augmente, en même temps que le travail du labourage diminue. A la fin, les tronçons d’arbres ayant disparu, le rapport est doublé, tandis que le travail est de moitié moins pénible qu’auparavant. Pour hâter cette opération le propriétaire n’a pas fait autre chose qu’exploiter la terre, la nature a fait le reste. Le secours qu’elle lui prête, en cette circonstance, produit bien plus de subsistances qu’on n’en avait recueilli, d’abord, en retour du défrichement de la terre. Cependant ce n’est pas tout. L’excédant ainsi obtenu lui a donné les moyens d’améliorer les terrains ingrats, en lui fournissant l’engrais propre à les fertiliser ; et de cette façon, il a triplé ou quadruplé son revenu primitif, sans être obligé à de nouveaux efforts ; le travail qu’il s’épargne, dans la culture des sols neufs, lui suffit pour transporter de l’engrais sur les sols plus anciens. Il conquiert alors un pouvoir, chaque jour plus considérable, sur les trésors variés de la terre.

Relativement à toutes les opérations qui se rattachent à la soumission de la terre à l’empire de l’homme, le résultat est le même. Le premier pas est constamment celui qui coûte le plus et qui produit le moins[1]. Le drainage commence nécessairement près du

  1. Le proverbe français : Il n’y a que le premier pas qui coûte, est vrai en ce qui concerne toutes les relations de la vie ; mais en aucune circonstance, il ne l’est plus expressément que lorsqu’il s’agit de l’occupation de la terre. C’est alors qu’on aperçoit facilement combien doit être funeste aux intérêts le mieux entendus de l’homme un système qui, visant à l’épuisement continu du sol, conduit à la nécessité,