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habitants de Madère ; et par la raison, que ces individus étant forcés de dépendre exclusivement de l’agriculture, il y a nécessairement une déperdition incessante de capital.

Plus la puissance pour le bien est considérable, plus elle l’est aussi pour le mal. Les poisons les plus énergiques constituent les remèdes les plus actifs ; et les individus que leurs facultés rendent le plus propres à devenir les bienfaiteurs de l’espèce humaine sont précisément ceux qui sont le plus funestes à la société, lorsqu’ils ont des dispositions vicieuses. La vapeur et la poudre à canon, employées à propos, offrent à l’homme des avantages inappréciables ; mais dans le cas contraire, leur puissance pour faire le mal est en raison de leur puissance de rendre service. Il en est de même à l’égard du corps humain et de son alimentation ; la nourriture qui est susceptible, dans un certain état de l’organisation, de produire la plus grande somme de force, est précisément celle qui, dans un certain autre, tend le plus à détruire la force et à anéantir la vie. Il en est de même à l’égard des routes et des autres améliorations. Pour une société excellemment organisée, — une société où existe à un haut degré la diversité des travaux, et dont le commerce, en conséquence, est considérable — toute route nouvelle amène avec elle l’accroissement de l’empire sur la nature ; tandis que pour celle où l’organisation n’existe que dans de faibles proportions, la construction de chaque route ne peut que fournir un nouveau moyen d’épuisement, au moyen duquel le sang même qui entretient sa vie peut plus facilement lui être enlevée, ainsi que nous l’avons vu à l’égard de l’Irlande. Le trafic a été « le fléau de la Polynésie ; » et plus sa puissance devient considérable aujourd’hui, plus devient rapide le progrès de ses effets funestes parmi la population des îles. Le trafic a été le fléau de l’Afrique septentrionale et occidentale ; et les Hottentots disparaissent du globe à mesure qu’augmente la facilité des relations avec les étrangers. Le trafic fait disparaître les aborigènes de l’Ouest et il produira à l’égard des Japonais, lorsqu’une fois il aura été introduit parmi eux, précisément le même résultat qu’il a déjà produit à l’égard de la population des Îles Sandwich et de celle de l’Inde.

Si les choses se passent ainsi, il faut l’attribuer uniquement à ce fait, que les sociétés en sont encore à connaître et à apprécier l’avantage qu’elles recueilleraient, en pratiquant dans leurs rela-