Page:Carey - Principes de la science sociale, Tome 1.djvu/455

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tions avec d’autres sociétés plus faibles, cette grande loi qui prescrit à l’homme de faire à autrui ce qu’il voudrait qu’on lui fît lui-même. En politique, la moralité est inconnue ; et il suit de là, comme conséquence nécessaire, que le bien important et durable est constamment sacrifié à un profit insignifiant et temporaire ; les nations étant partout dirigées dans leur conduite par des motifs exactement semblables à ceux qui, si souvent, poussent l’individu à gagner une place dans la prison pénitentiaire en volant dans la poche de son voisin, lorsqu’en suivant une conduite différente il pourrait sans peine se mettre dans une situation d’aisance et de bien-être permanents[1].

Si la population africaine eût été instruite dans les véritables voies de la civilisation, si elle eût appris, conformément au conseil d’Adam Smith, à rassembler ses matières premières et à les rendre ainsi propres à être transportées au loin, elle pourrait, aujourd’hui, avoir de nouvelles routes et serait préparée à approvisionner l’Europe, dans une proportion presque illimitée, des productions des tropiques, tandis qu’elle-même aurait fait de rapides progrès, sous le rapport du développement de ses diverses facultés. Si l’on eût laissé les Irlandais, les Turcs et les Portugais, acquérir et développer l’industrie manufacturière, aujourd’hui ils augmenteraient considérablement le fonds de matières premières nécessaires à l’approvisionnement du monde, et le commerce avec ces peuples aurait acquis une grande importance. S’il est devenu tout à fait nul, cela tient à ce fait, qu’ils ont été contraints d’entretenir des relations commerciales sur le pied de liberté, avec des sociétés jouissant d’une organisation plus avancée que la leur, puissantes pour le bien et le mal, et employant leur puissance comme un moyen de s’assurer des profits pour elles-mêmes. Cherchant toujours le bien présent et momentané, en même temps qu’elles n’avaient nul souci du dommage futur et durable, ces dernières ont cherché à se fortifier en affaiblissant toutes celles qui les environnaient. Agir ainsi avec intention serait un crime ; mais, comme

  1.  » Si nous passons des affaires intérieures aux relations internationales, nous cherchons vainement une nation vertueuse. Chaque société, à mesure qu’elle arrive, à son tour, au pouvoir, dédaigne toutes les lois de la justice, et ne se soumet qu’à la loi de la force qu’elle cherche à imposer partout. Aussi l’histoire du monde est-elle souillée de tous les crimes qui rendent l’homme odieux. » (Westminster Review. Janvier 1851.)