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L’atmosphère de l’Angleterre est une atmosphère de tristesse, Chacun y est inquiet de l’avenir pour lui-même ou pour ses enfants ; et c’est là une conséquence nécessaire du système qui se propose comme but d’augmenter les obstacles qui se rencontrent dans la voie du commerce.

§ 5. — Tendance abrutissante du système.

Plus est parfaite la puissance d’association, plus est grande la tendance à l’égalité de condition résultant du développement des facultés intellectuelles, et, à ce résultat : la chaîne de la société est complète dans tous ses anneaux. Moins cette puissance est considérable, plus est grande la tendance à l’inégalité, résultant du développement de l’intelligence dans une seule portion de la société, et la substitution, dans une autre portion, de la force brutale à l’intelligence, et, à la réalisation de ce fait, le travailleur, devenu un pur instrument entre les mains de ceux qui veulent profiter de ses efforts. La simple force animale, voilà, nous dit-on, ce qu’il faut dans le système anglais ; et de là vient qu’il y a eu si peu de progrès dans le développement de la faculté artistique, tandis que, partout ailleurs sur le continent européen, on a vu cette faculté se développer si rapidement[1]. La centralisation détruit la puissance intellectuelle ; car elle tend à obtenir le travail à bas prix au dehors et à l’intérieur, et à diminuer la possibilité d’acheter les produits qui demandent, pour être fabriqués, du goût et du talent. Le marché offert à ces denrées par l’Irlande, le Portugal, la Jamaïque ou l’Inde, ne représente pas le dixième de ce qu’il était il y a cinquante ans ; et, quelque restreint qu’il soit, il diminue chaque année, offrant ainsi une preuve concluante du désavantage du système (anglais), tout en laissant complètement de côté les considérations morales. Les difficultés que l’on déplore aujourd’hui dans les journaux anglais ne sont que le résultat nécessaire d’un système qui exige le travail à bas prix, travail qui n’est jamais que celui d’un esclave.

§ 6. — La centralisation et la démoralisation marchent toujours de conserve.

Plus la circulation du sang est rapide dans le corps humain,

  1. « Nous essaÿons continuellement de séparer l’ouvrier et l’ouvrage. Nous aimons qu’un individu pense et qu’un autre agisse ; mais, en réalité, les deux ne fleuriront jamais isolément ; la pensée doit diriger l’action, et l’action doit stimuler la pensée, ou bien la masse de la société restera toujours composée ainsi qu’elle l’est aujourd’hui, de penseurs maladifs et d’ouvriers misérables. Ce n’est que par le travail que la pensée peut devenir vigoureuse, et ce n’est que par la pensée que le travail peut devenir heureux. » (North British Review. Voy. plus haut la note de la p. 239 du texte, chapitre ix, p.