Page:Carey - Principes de la science sociale, Tome 1.djvu/544

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qu’elle est réclamée par les exigences du trafic ; et de là vient qu’elle s’établit de plus en plus à mesure que la terre s’immobilise et que les capitaux considérables engagés dans tes différentes branches du trafic, peuvent, de plus en plus, continuer cet « état de guerre » qui se propose de leur assurer le monopole du privilège d’acheter les matières premières au dehors et le travail à l’intérieur. Le paysan sait, dit un auteur moderne[1], qu’il doit mourir dans la position où il est né. » Ailleurs il ajoute : « L’absence de petites fermes ôte au paysan tout espoir d’améliorer ses conditions d’existence. » Le London Times assure à ses lecteurs « que celui qui a été une fois paysan en Angleterre, doit rester à jamais paysan, » et M. Kay, après un examen attentif de la condition des peuples de l’Europe continentale, affirme, que par suite d’un pareil état de choses, les paysans de l’Angleterre « sont plus ignorants, plus démoralisés, moins capables de se venir en aide à eux-mêmes, et plus accablés par le paupérisme que ceux d’aucun autre pays de l’Europe, si l’on en excepte la Russie, la Turquie, l’Italie méridionale et quelques parties de l’empire d’Autriche[2]. »

Dans de pareilles circonstances, la classe moyenne tend peu à peu à disparaître, et la condition de celle-ci est parfaitement exprimée par le terme dont on se sert aujourd’hui si fréquemment, « la classe non aisée. » Le petit capitaliste qui, ailleurs, achèterait volontiers un morceau de terre, un cheval et une charrette, ou une machine d’une espèce quelconque, qui doublerait la puissance productive de son travail et en augmenterait la rémunération, se trouve forcé, ainsi que nous l’avons démontré plus haut, d’effectuer ses placements dans les caisses d’épargne ou les bureaux d’assurances sur la vie, où l’argent lui est prêté sur hypothèque à raison de 3 % ; tandis qu’il pourrait gagner 50 %, s’il lui était permis d’employer lui-même son capital. Il y a donc une lutte continuelle pour arriver à vivre, et chaque homme, ainsi qu’on l’a dit, « s’efforce d’arracher le morceau de pain de la bouche de son voisin. »

    petite famille, à peine nourrie, grandissant comme des païens dans la terre de Knox ? Je voudrais que l’on fit quelque chose pour lui avant qu’il essayät de commettre quelque acte irrégulier dans son intérêt. » (Correspondance de la Tribune de New-York. Juin 1856.)

  1. Kay, Condition sociale de l’Angleterre et de l’Europe, tom. I, p. 70.
  2. Ibid., p. 359.