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À aucune époque le pouvoir du négociant n’a été si grand qu’à ce moment où se complète la première décade du système existant. Fermiers et planteurs se trouvent partout réduits à dépendre, pour la construction de leurs routes, des faveurs des courtiers et négociants citadins— faveurs payées aux taux de 10, 12 ou 15 % par année sur obligations hypothécaires qui peuvent, à l’occasion, transférer à leurs porteurs la propriété entière des routes qui servent de garantie. C’est assécher le pays de ses ressources, dans le but de créer une grande aristocratie d’argent, dont tous les mouvements tendent à l’épuisement du sol et à l’appauvrissement de son propriétaire.

Le commerce crée des villes et des bourgades — formant à l’infini une demande locale pour du travail, qui, autrement, n’aurait pas d’emploi. Le trafic anéantit les villages et bâtit des cités où les palais « des princes marchands sont entourés de chaumières occupées par des hommes et des femmes venus de la campagne et réduits à choisir entre l’émigration vers l’ouest d’une part ou vers la cité de l’autre. Les périodes de protection ont vu des centres locaux se créer partout, avec un rapide développement de commerce. Celles de libre trafic ont vu leur ruine ; mais comme compensation, des palais se sont élevés dans New-York, Boston, Cincinnati et Chicago, pour servir de demeure à des hommes, dont la fortune s’est faite en achetant du fermier à bas prix et en lui vendant ce dont il a besoin à des prix exorbitants[1]. Des constructions de cette sorte ont toujours été le précurseur de la ruine agricole, et l’on ne voit nulle raison de douter que ce ne soit ici le nouveau cas.

§ 5. — Le développement de commerce tend à la paix et à une gestion économique des affaires du gouvernement. La politique américaine vise à étendre le pouvoir du trafic aux dépens du commerce. Tendance croissante vers la guerre et la déperdition.

Le commerce favorise le développement des trésors de la terre et met les hommes à même de se rapprocher davantage — de trouver demande instantanée pour toutes leurs facultés — et peuvent accumuler richesse et pouvoir, pour servir aux fins pacifiques de

  1. On dit qu’il n’y a pas moins d’une douzaine d’habitations particulières dans la ville de New-York, récemment construites, ayant coûté de 100.000 à 150.000 dollars, rivalisant en magnificence avec les palais royaux de l’Europe et ne leur cédant qu’en superficie. La demeure la plus élégante de la cité a coûté, dit-on, environ 250.000 dollars. Dans une demeure, qui a été meublée dans le style le plus somptueux, on a dépensé 50.000 dollars dans quatre ou cinq des appartements ; il est une simple chambre dont l’ameublement à coûté de 25 à 30.000 dollars. » New-York journal. À côté de ces palais il existe une pauvreté aussi sale qu’en puissent présenter les cités de l’ancien monde.