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nombre et de la rapacité des vendeurs de monnaie. Dans plusieurs des républiques et des villes sujettes, les métaux précieux deviennent si rares, qu’il faut recourir à des monnaies de cuivre et de fer, qui circulent à un taux bien au-dessus de leur valeur réelle. Plus tard, la monnaie disparaît presque complètement, — la terre étant alors cultivée par des esclaves, à qui l’usage de l’instrument d’association est complètement refusé.

À mesure que la civilisation grandit à Rome, l’as tombe, par degrés, d’une livre à une demi-once, et le denier d’argent de 153 grains à 184 ; tandis que l’aureus d’or, du temps d’Auguste, qui pesait 147 grains, n’en pèse plus, sous Galba, que 137. Comme ces changements avaient eu pour objet de favoriser les intérêts de la minorité qui dirigeait la marche du gouvernement, ils furent suivis d’un accroissement constant de l’inégalité des conditions et de la valeur des métaux précieux, comparée à celle du travail. Il s’y joignit une élévation du taux chargé, comme intérêt, pour l’usage du peu de monnaie qui circulait parmi un peuple, aux besoins quotidiens duquel il était pourvu par des distributions quotidiennes du trésor public. Brutus, recevant 4 % par mois, est un fait historique ; mais tout exorbitant que fût ce taux, le taux, dans les opérations inférieures de la cité impériale a dû être plus du triple. Plus les gens sont pauvres, et plus fort est toujours le taux d’intérêt. Ce qui explique comment les fortunes colossales s’accumulèrent si vite à une époque où il y avait tant de paupérisme.

§ 6. — Fabrication de monnaie par les monarques européens. Le résultat est de diminuer son utilité et d’augmenter sa valeur. Il s’ensuit déclin de la valeur de l’homme.

Pour trouver la falsification des monnaies portée à son plus haut point, il nous faut étudier l’histoire de date moins ancienne. Philippe le Bel, en France, changea la monnaie treize fois dans le cours d’une année, et plus de cent fois pendant son règne, — le but de chaque changement étant toujours de dépouiller ceux qui avaient besoin de se servir de la monnaie. On faisait rentrer les pièces ayant poids pour y en substituer de légères, et puis celles-ci étaient discréditées, — ceux qui, aujourd’hui, avaient accepté une pièce pour plus, devaient s’en départir demain pour moins que sa valeur réelle. Louis X, Charles IV, Philippe V et Philippe VI, et leurs successeurs, suivirent son exemple ; et, même aussi tard que sous le règne de Louis XVI, nous voyons le directeur de la Monnaie reprocher à ses subordonnés de donner aux pièces un poids tel qu’il empêche le roi « d’y trouver son propre profit. Un fait qui