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l’autorisation d’établir une banque, c’était, même pour les villes les plus considérables et les mieux posées, une œuvre de longue haleine, une sorte de travail d’Hercule. Sauf les deux ou trois banques départementales qui s’étaient formées spontanément à l’issue de notre grande révolution, comme celles de Rouen et de Bordeaux, et dont l’existence est contemporaine de celle de la banque de France, toutes les autres n’ont pu être fondées qu’au prix de pénibles efforts, de longues et coûteuses démarches qui étaient bien faites pour dégoûter le commerce de s’engager dans une semblable voie. Je citerai pour exemple la banque de Toulouse, qui n’a pu s’établir qu’après plusieurs années de sollicitations, auxquelles s’étaient associés le conseil général du département, le conseil municipal de la ville et la plupart des hommes marquants du pays. Pendant plusieurs années, il a fallu fatiguer les bureaux du ministère et les abords du conseil d’État pour obtenir, quoi ? la chose du monde la plus simple, la formation d’une compagnie de banque au capital de 1.200.000 francs. La ville de Dijon, après des efforts pareils, a dû renoncer devant les résistances qu’elle rencontrait[1].

Ce fut, comme on le voit, le monopole presque complet en faveur de la grande banque, et la chose dura jusqu’à la révolution de 1848, où il se compléta par l’abolition de toutes les banques départementales. La tendance de l’action politique et financière de la France, — toujours opposée au développement d’activité locale, se manifeste ici dans toute sa plénitude, ainsi que ses résultats en révolutions politiques et financières. En telles matières, donc Paris peut être regardé comme étant la France, — tant le développement local a été insignifiant et flottant, ce qui nous autorise, dans l’examen où nous allons entrer, à ignorer l’existence d’établissement locaux de n’importe quelle sorte.

§ 3. — Fermeté dans le montant de la circulation d’usage. Les caisses financières ont leur origine dans les oscillations de la circulation non employée.

Le pouvoir de la banque devait dériver d’abord du privilège exclusif à elle accordé de fournir circulation ; et en second lieu de sa capacité d’offrir aux propriétaires de monnaie un lieu de sûr dépôt. Le crédit étant à peu près éteint, et ses billets au porteur étant d’un fort montant, — 500 francs, — il y eut au début peu à compter sur le premier ; et l’on voit qu’il s’en obtint très-peu d’a-

  1. Coquelin. Du Crédit et des banques, 2e édition, p. 310.