Page:Carey - Principes de la science sociale, Tome 2.djvu/465

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s’imaginât qu’un homme qui a le choix entre les sols riches et les sols pauvres prendra certainement les premiers ; cependant s’il eût réfléchi que le colon primitif est un pauvre diable, avec des outils très-inférieurs, il eût vu l’impossibilité dans de telles conditions de nettoyer, assécher et cultiver les sols riches. Il n’était pas moins naturel que M. Hume s’imaginât que plus la quantité de monnaie augmente, plus hausseront les prix de toutes les utilités pour lesquelles il faudra donner monnaie. Cependant s’il eût réfléchi qu’elle n’est qu’un grand instrument fourni par la nature pour produire la circulation parmi les hommes et parmi leurs produits, et que les effets bienfaisants, que lui-même a décrits si bien, ne sont que les conséquences naturelles d’un accroissement du pouvoir d’association, résultant de la facilité accrue d’obtenir la disposition de cet instrument, il eût trouvé l’harmonie parfaite entre les faits et « les principes de la raison. »

§ 4. — Son erreur de supposer que lorsque la quantité de monnaie diminue, la circulation de ce qui en reste s’accélère. Les faits réels sont précisément le contraire, — la circulation alors diminuant plus vite que la quantité.

« Les pièces en lesquelles ces métaux sont divisés serviraient aux mêmes fins d’échange, quelque soient leur nombre ou leur couleur[1]. »

Cette assertion est vraie ou fausse. Si vraie, elle est la justification des écrivains qui prétendent enseigner qu’il y a avantage à exporter l’or et l’argent qu’on ne peut ni manger ni boire, ni porter en vêtement, — et à recevoir en échange du drap que l’on peut porter, du fer dont on peut se servir, et du sucre que l’on peut manger. Si non vraie, ils sont alors dans la position d’un aveugle qui prétend conduire un autre aveugle, — avec danger pour tous deux de tomber dans le puits.

Pour qu’elle fût vraie, il faudrait qu’à mesure que le nombre de pièces diminue, la circulation de celles qui restent gagnât en vitesse, — le mouvement devenant alors un mouvement constamment accéléré. Cependant interrogeons les faits. L’or et l’argent se meuvent-ils plus rapidement de main en main, à mesure que leurs quantités diminuent ? Au contraire, la diminution de vitesse dans la circulation des pièces marche même plus rapidement que la diminution de leur nombre, — une centaine de pièces n’accomplissant pas autant d’échanges à une époque où la quantité de monnaie diminue graduellement que n’en accomplirait une seule pièce à une

  1. Hume. Essai sur la monnaie.