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Leurs fils grandissent, la terre est de nouveau divisée et de beaucoup s’accroît la force. Le nombre allant croissant il faut diviser encore—la terre décroit dans son rapport avec la population, tandis que la richesse et le pouvoir vont constamment s’accroissant. La consommation dès lors suit d% plus près la production, l’individualité va se développant de plus en plus — et le pouvoir d’accumuler grandit.

§ 2. — Faible circulation tant de la terre que de l’homme dans le premier âge d’une société. Le capital mobile est en forte proportion relativement au capital fixé.

Aux premiers âges de la société, la terre est complètement sans valeur. Les hommes chassent ou pêchent — leur unique propriété consiste en arcs, flèches, fourrures et quelques aliments qu’ils auront épargnés pendant l’été comme provision contre les besoins de l’hiver. Plus tard nous les trouvons à l’état de pasteurs — leurs troupeaux sont nombreux et constituent leur seule richesse. La terre est encore sans valeur ; on n’hésite pas à l’abandonner dès que la pâture y est épuisée. La société n’est encore que l’esclave de la nature ; de circulation volontaire il n’en existe pas — chaque membre se trouve forcé de se mouvoir quand les autres se meuvent ; de là ces émigrations prodigieuses dont l’histoire grecque et romaine fit mention.

C’est dans cette condition de la société que la centralisation existe au plus haut degré — les quelques hommes doués de la force musculaire ou intellectuelle exerçant une influence sans bornes sur la masse flottante dont se compose la société. Pauvre et souvent dénuée de subsistances, elle est toujours prête à suivre des chefs tels que Brennus ou Vercingetorix, Tamerlan ou Bajazet, Gengiskan ou Nadir-Shah — se prêtant avec joie à arrêter la circulation sociale chez d’autres plus avancés qu’eux-mêmes en richesse et en puissance.

Plus tard ils cherchent à obtenir par la culture des masses plus fortes d’aliments. On commence à estimer quelque peu la terre, et la proportion de la propriété mobile à celle fixée tend à diminuer quelque peu. On voit de petites communautés s’approprier la terre et se la partager pour une occupation temporaire : cela se pratiquait dans la Gaule à l’époque de César ; la même chose a existé dans l’Inde. Elle existe encore aujourd’hui, nous l’avons déjà mentionné, sous le système communiste, qui prévaut en Russie. Communisme et demi-barbarie cheminent donc ensemble — produisant précisément le système tout récemment prêté au peuple de France