Page:Carmontelle - Proverbes dramatiques, Tome 8.djvu/248

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LE COMTE.

Ecoutez donc, Madame, il faut être prodigieusement en garde pour ne pas se livrer entiérement au sentiment que vous faites naître ; & si le desir de vous plaire n’étoit pas retenu par la crainte de n’y pas réussir…

LA BARONNE.

Oui, je vois que votre modestie vous empêche de vous en trouver digne. C’est le défaut ordinaire des hommes : cependant cela n’empêche pas qu’on ne les craigne ; mais je dis beaucoup. (Elle rit.)

LE COMTE.

Ne plaisantez pas, Madame, je vous en supplie ; je vais vous parler absolument du fond de mon cœur. Ce que je viens de vous dire n’a rien qui doive vous surprendre ; & ce doit être le langage de tous ceux qui vous connoissent ; mais si je pouvois l’emporter sur eux par une préférence qui me lieroit à vous pour toute ma vie, je ne conçois pas qu’il puisse y avoir jamais de bonheur plus grand !

LA BARONNE.

Voilà qui est divin ! Un pouvoir si subit de mes charmes auroit de quoi me tourner la tête, sur-tout étant senti par un homme aussi supérieur que vous, Monsieur. (Elle rit.)