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Page:Carmontelle - Théâtre de campagne, tome I.djvu/13

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LETTRE
À MADAME LA BARONNE
DE JOYENVAL.

Vous me faites l’honneur de me mander, Madame, que toute la Jeunesse de votre Province, depuis quatre ou cinq ans, s’est appliquée à jouer des Proverbes, & que cet amusement lui a fait très-grand bien. Je n’en suis pas surpris ; il doit former beaucoup plus que l’habitude de faire des visites, où l’on se présente souvent avec embarras, où l’on escamote quelques révérences, les uns derrière les autres, en rougissant ; après quoi les Hommes courent se mettre le dos à la cheminée, & les Femmes vont se parler à l’oreille.

La conversation est-elle générale, il faut se deviner ; on parle vite ou entre ses dents, personne ne prononce, faute de s’être exercé à parler haut ; ne pouvant vous entendre, on ne sauroit vous connoître ni vous bien juger : alors la crainte & la défiance rendent souvent très-ennuyeuse la conversation qui pourroit être fort agréable ; il n’y a que les sots qui osent toujours tenir les dés, & dire avec confiance les choses les plus communes. L’habitude de la con-