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Page:Carmontelle - Théâtre de campagne, tome I.djvu/14

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versation feroit éclore une multitude d’idées que peuvent avoir les jeunes personnes ; elles ne se forgeroient pas des systêmes que rien ne peut détruire ; puisque ne les ayant pas connus, on n’a pu songer à les combattre. On vit donc en société comme si on étoit isolé, pensant à sa fantaisie & laissant dire aux autres tout ce qu’ils veulent ; aussi les personnes les plus taciturnes dans leur jeunesse, & que l’on croit les plus douces, montrent-elles souvent, après le mariage, une opiniâtreté & un entêtement dont on ne se seroit jamais douté.

J’ai toujours été surpris de ce qu’on ne fait pas entrer dans le plan de l’éducation, l’art de lire haut, ce qui apprendroit à bien prononcer & à bien parler. Les Comédiens seroient des Maîtres excellens. Quel est cet art de lire, même chez un Comédien médiocre ! Il montre la valeur de la ponctuation, qui est ce que sont les notes & la mesure au chant.

Combien de Femmes d’esprit, lorsqu’elles veulent jouer la Comédie, vous étonnent en vous prouvant qu’elles n’ont jamais connu la ponctuation ; aussi n’est-il pas surprenant qu’on ne trouve quelquefois dans leurs Lettres, ni points, ni virgules : de-là vient qu’en disant des vers, les rimes sont toutes relevées sur le même ton, que même dans la prose elles finissent leurs phrases en l’air, & qu’elles ne disent jamais leurs rôles comme elles parlent, qu’elles croyent qu’on doit leur apprendre à faire des gestes,