Page:Carmontelle - Théâtre de campagne, tome I.djvu/15

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& qu’en vous assurant qu’elles n’en savent pas faire, elles en font beaucoup trop.

Les Proverbes, dites-vous, Madame, ont eu l’avantage de développer votre jeunesse, de lui ôter toutes les disgraces que donne l’embarras, & ils les ont obligés de bien prononcer ; car il y a des gens qui ont l’oreille dure dans les Sociétés, & qui veulent tout entendre, & l’on dit que pour parler aux sourds, il ne faut pas crier, mais bien prononcer.

En jouant des Proverbes, on est occupé de rendre exactement le personnage que l’on doit représenter : quand on a trouvé qu’il ressembloit à quelqu’un de sa connoissance, on l’a observé davantage, cela accoutume à devenir spectateur dans le monde, & à sortir de soi-même, ce qu’on ne fait pas toujours, soit par négligence, ou parce qu’on n’estime pas assez les autres. Quand on s’est mis une fois à observer, combien le champ est vaste ! & que de réflexions à faire sur chaque personne ! on évite les uns, on recherche avidement les autres, & l’on sent davantage le besoin & le plaisir d’aimer. On vit donc plus agréablement que ceux qui n’estimant qu’eux, s’éloignent avec dédain de tout le monde, & dont tout le monde, par cette raison, ne manque pas de s’éloigner.

Vos jeunes Gens ont grande raison de vouloir jouer à-présent la Comédie, ils y réussiront bien mieux & auront beaucoup plus de naturel que ceux