vai un étonnement que j’eus quelque peine à dissimuler. On lisait en tête ces paroles en grosses lettres : Le jour du Seigneur approche ! C’était une ardente adjuration adressée à tous les chrétiens pour les conjurer de quitter les voies du péché et les sentiers de la perdition, afin de se tenir prêts à paraître devant le trône du souverain Juge. L’auteur énumérait, d’après les saintes Écritures, les signes avant-coureurs de la fin des temps, et les indiquait à la génération aveugle qui semblait ou ne point les voir ou les dédaigner. On aurait dit une sorte de commentaire de l’Apocalypse, composé sur le texte de saint Jean par un disciple du prophète Jérémie. Tout cela fut lu avec calme, et transmis successivement à vingt personnes, qui n’échangèrent à cette occasion ni une plaisanterie ni un sourire, tant l’acte du petit homme noir les avait peu surprises.
Je voulus sonder la disposition de mon voisin, un gros épicier jovial, et je lui adressai dans ce but quelques paroles un peu parisiennes ; mais cela ne prit point, et sans vouloir aborder la question, il se borna à me répondre avec un grand calme : Upon these matters, sir, everyone is free. Épiciers, souscripteurs à la statue de Voltaire, auriez-vous en pareille occasion revendiqué la liberté des opinions comme le fit votre confrère de Londres, et quel traitement n’auriez-vous pas infligé au mystique colporteur s’il avait eu le malheur de faire en votre compagnie le trajet du Palais-Royal à Bercy !
Le soir, j’assistai à l’ambassade de Russie à un bal