Page:Carné - Souvenirs de ma jeunesse au temps de la Restauration.djvu/123

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donné par la comtesse, depuis princesse de Lieven, reine de la fashion. Cette fête fut fort belle ; mais on aurait pu s’y croire à Paris, à Pétersbourg ou à Vienne tout aussi bien qu’à Londres. Aussi ne laissa-t-elle aucune trace dans ma mémoire, tandis qu’après plus de quarante ans, je me souviens de ma course en omnibus jusque dans ses moindres détails. L’une m’avait montré l’Europe moderne, l’autre m’avait révélé la vieille Angleterre.

Le moment était venu de rentrer à Paris, J’y arrivai pour recevoir le dernier soupir du grand-oncle nonagénaire qui, durant dix ans, m’avait admis sous son toit. Il voulut bien me laisser un souvenir et mourut dans les bras de la religion, prenant la mort plus au sérieux qu’il n’avait pris la vie, et je ne découvris qu’à l’heure où je le perdis toute la profondeur de l’attachement qu’à défaut de toute sympathie d’esprit, l’habitude fortifiée par la reconnaissance, avait suscité dans mon cœur. Attaché à la direction politique du ministère, je trouvai là pendant deux ans un travail solide, en plein accord avec mes goûts.