Page:Carné - Souvenirs de ma jeunesse au temps de la Restauration.djvu/137

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teur des Ducs de Bourgogne parler de M. de Sèze comme il convenait à un historien d’un grand esprit et d’un grand cœur. Enfin, le public était admis à saluer de ses applaudissements le chantre des Méditations prenant, après un premier échec, possession du fauteuil qu’avait occupé le comte Daru, fauteuil que les classiques les plus obstinés renoncèrent enfin à lui disputer. La politique sortait par tous les pores des discours prononcés par ces illustres récipiendaires. L’un d’eux était, au Luxembourg, engagé dans tous nos débats ; l’autre aspirait à déposer sa lyre au pied de la tribune ; M. Royer-Collard apparaissait enfin comme la personnification même de ces classes moyennes auxquelles sa parole préparait un triomphe qui marqua le terme de ses espérances.

Quelques jours après son élection à l’Académie, je rencontrai, pour la première fois, M. Alphonse de Lamartine chez la marquise de Raigecourt, à laquelle l’attachaient de vieilles relations de famille. Une pareille rencontre était alors un événement. Le poëte était accompagné dans cette maison d’intimité par deux personnes qui formaient avec lui un groupe de la plus harmonieuse unité : c’étaient sa mère et sa fille adolescente, vivantes images de sa personne, l’une dans la majesté sereine de la vieillesse, l’autre dans l’éclat d’une fleur printanière que le vent du désert était à la veille de dessécher.

Je l’abordai comme un mortel aborde un dieu dans son temple ; mais l’oracle ne tarda point à me faire reprendre terre, et m’étonna singulièrement par le