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consulter que la bibliothèque de mes souvenirs, et où je pourrai laisser courir ma plume comme un cheval en liberté. J’entreprends donc de m’occuper un peu de moi-même, afin d’arracher quelques pages de ma vie au torrent qui aura bientôt emporté jusqu’à mon souvenir. Je n’ai pas tenu assez de place dans les affaires de mon temps pour avoir jamais la pensée de rédiger des mémoires. Je ne le permets qu’aux hommes d’État et aux valets de chambre aux uns, parce qu’ils y terminent dignement leur vie publique aux autres, pour lesquels il n’existe jamais de grands hommes, parce qu’ils nous montrent ceux-ci en déshabillé. Ces sortes d’écrits, d’ailleurs, sont toujours des apologies, et je n’ai pas plus à me défendre que je ne songe à attaquer. Je poursuis un but plus modeste et, pour moi, plus profitable.

Durant ces tristes jours où la main de Dieu, visible dans le châtiment, se dérobe à nos regards dans le but qu’elle veut atteindre, je voudrais étudier l’action continue de la Providence en l’observant dans la trame d’une vie obscure, lorsque je cesse de l’entrevoir dans l’économie générale des choses du monde. Les seules épreuves contre lesquelles l’homme demeure sans force sont celles dont le secret lui échappe, et la pensée de Dieu n’aide à tout supporter que parce qu’elle aide à tout comprendre. À l’ineffable joie de retrouver sa trace, j’aimerai à joindre celle de reconstituer l’unité morale de ma vie, en m’expliquant la filiation logique de mes opinions et de mes idées par les impressions mêmes qui les ont provoquées. Ces douces