Page:Carné - Souvenirs de ma jeunesse au temps de la Restauration.djvu/156

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néreusement à chacun la faculté de choisir ses ancêtres chez les poissons ou chez les singes, selon son goût. Issu du chaos et constitué par l’action de forces fatales agissant sous l’empire de lois générales de conservation, l’homme trouva partout la guerre à son berceau : elle eut d’abord pour théâtre la famille, puis la tribu. Bientôt les nations, enfin constituées, luttèrent entre elles pour des intérêts déterminés par la mesure de leur civilisation. On commença par combattre pour la possession des fruits de la terre, comme les chiens qui se ruent l’un sur l’autre à l’heure de la curée. L’on combattit plus tard pour l’appropriation de la terre elle-même ; on conserva ses prisonniers pour s’en faire des esclaves afin de cultiver le sol, de telle sorte que les vaincus servant d’instruments de travail aux vainqueurs, ceux-ci n’exercèrent par eux-mêmes que deux fonctions sociales : ils défendirent l’État et le gouvernèrent. Puis, par suite de l’intérêt qu’y trouvèrent les propriétaires eux-mêmes, l’esclavage qui atteignait le sort de la personne ne tarda pas à se transformer en un servage ne s’appliquant plus qu’au travail ; et plus tard encore, par l’effet d’une évolution nouvelle que provoqua l’extension de la richesse publique, les chefs des nations estimèrent utile à leur puissance de faire passer leurs serfs à la condition de sujets. Alors commencèrent les guerres politiques qui remplissent l’histoire de l’Europe depuis la chute du régime féodal, ère de conflits sanglants dont la stérilité demeure démontrée par les résultats qu’elle a donnés, et que va suivre, grâce à la puissance du capital solidarisé par