Page:Carné - Souvenirs de ma jeunesse au temps de la Restauration.djvu/161

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leurs disciples aux funérailles d’un grand culte, qu’opposait alors l’Église assise sur le roc des promesses divines ? Quels efforts tentait le clergé français pour persuader aux générations nouvelles que les enseignements du christianisme méconnu et calomnié, étaient appelés à demeurer au milieu de toutes les transformations sociales l’expression permanente et complète des besoins de la nature humaine ? Je vais le dire en exposant cette situation telle qu’elle apparaissait alors à une partie de la jeunesse catholique profondément alarmée de l’avenir, et pénétrée du devoir d’en conjurer les périls.

Les plus grands talents de l’époque se rencontraient incontestablement, durant la restauration, dans les rangs des hommes religieux, et la fausse direction imprimée à des forces si précieuses peut seule expliquer l’impopularité générale qui pesait sur le clergé catholique, à la veille de la révolution de 1830. L’auteur du Génie du christianisme avait incliné sa gloire naissante sous les bénédictions de l’Église, à l’ombre de laquelle avaient grandi tous les jeunes poëtes qui, en l’honorant encore, ne tardèrent pas à la déserter. La Muse française prétendait à l’orthodoxie religieuse pendant qu’elle s’insurgeait contre l’orthodoxie littéraire. À l’auréole projetée sur l’école catholique par les débuts de cette brillante pléiade, il faut certainement joindre l’éclat des premiers noms littéraires de ce temps-là. Si M. de Bonald fut un philosophe moins solide qu’ingénieux, il reste un écrivain très-éminent. Si M. de Maistre a fait peut-être autant de sceptiques