que de croyants, en prétendant élever les vues les plus conjecturales à la hauteur des vérités dogmatiques, il eut des intuitions de génie que l’abus de l’esprit ne parvint point à étouffer ; on ne saurait lui refuser le titre de puissant penseur, en reconnaissant que l’oracle a souvent exploité le dieu au gré de ses passions publiques. M. de Lamennais fut enfin la gloire de l’Église avant d’en être devenu le scandale, et peu d’hommes ont laissé, dans l’histoire de la pensée, des traces aussi formidables de leur passage, car il a dépensé encore plus de force pour édifier que pour démolir.
Mais aucun de ces hommes illustres n’était ni théologien, ni érudit, ni savant de profession ; tous engagés dans la lutte des partis, et s’efforçant de placer leurs opinions sous la sanction de leurs croyances, entendaient faire marcher de front, et l’une par l’autre, la restauration religieuse et la restauration monarchique. Pour M. de Bonald, le pouvoir royal existe de droit naturel comme la puissance paternelle dont ce pouvoir est l’extension, la monarchie étant, d’après l’auteur de la Législation primitive, le seul mode de constitution normal pour les peuples chrétiens. Pour M. de Maistre, les races régnantes, constituées par un fiat de la volonté divine portent au front le signe de leur mission surhumaine, signe peu apparent aujourd’hui, ce me semble, chez les princes de la maison de Savoie, objet de son culte idolâtre. Aux yeux de M. de Lamennais, le pouvoir n’avait qu’une source légitime, la vérité, et la vérité ne trouvant en ce monde son expression complète que dans l’Église, celle-ci demeurait le