Page:Carné - Souvenirs de ma jeunesse au temps de la Restauration.djvu/164

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tout à coup à l’autre extrémité de l’horizon, et s’arma pour d’autres combats avec une confiance égale. Oublieux de tous ses engagements de la veille, il posa d’un front superbe d’autres principe pour en déduire bientôt les plus extrêmes conséquences, avec la rigueur habituelle de sa méthode et l’intolérante âpreté de son caractère. De la théorie d’une autorité suprême, règle infaillible de toutes les vérités, de tous les droits et de tous les devoirs, le publiciste, enivré de logique, passa sans transition à celle de la liberté illimitée pour toutes les manifestations de la pensée humaine. Incapable de comprendre que la politique est une œuvre de transaction perpétuelle entre les idées et les faits, ne paraissant pas même soupçonner que les sciences sociales sont régies par d’autres lois que les sciences mathématiques, le théocrate se trouva conduit à se faire montagnard, en attendant l’heure où le prêtre catholique se déclarerait libre penseur. C’était principalement dans les rangs du clergé que s’exerçait l’action véhémente de ce génie primesautier. La pensée de l’abbé de Lamennais inspirait alors un recueil périodique important, le Mémorial catholique, fondé en 1824, par les abbés Gerbet, de Salinis et Rohrbacher, qui formèrent, sous les auspices du maître, le noyau de l’école orageuse de la Chesnaye.

Un antagonisme profond, quoique latent, séparait de l’épiscopat, pendant la restauration, une grande partie du clergé secondaire. Les évêques de cette époque, imbus pour la plupart des traditions de l’ancien régime, lors même qu’ils n’appartenaient point à l’a-