Page:Carné - Souvenirs de ma jeunesse au temps de la Restauration.djvu/36

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au sort d’une dynastie de plus en plus menacée. S’il est mauvais de vouloir séparer l’Église de l’État, il est bon de la séparer des partis ; il est meilleur encore de la dégager de toute solidarité dans nos agitations passagères puisqu’elle est destinée à leur survivre. Mais cette identification était trop bien expliquée par la puissance naturelle des souvenirs, et elle n’engageait d’ailleurs aucune question de doctrine. C’était une simple affaire de conduite ; or l’esprit de conduite est ce qui manque le plus aux partis honnêtes, et peut-être faudrait-il dire que cette qualité leur manque habituellement dans la mesure même de leur honnêteté. Sous la restauration, l’opinion royaliste prit de petits moyens pour atteindre un grand but, et ses meilleures intentions vinrent échouer contre ses maladresses.

Les sociétés secrètes étaient, en ce temps-là, le centre de l’impulsion imprimée à l’opinion révolutionnaire, soit que celle-ci poussât de malheureux sous-officiers à l’insurrection et à l’échafaud, soit que, par la voix de Manuel, elle jetât la jeunesse des écoles sur les places publiques ou qu’elle l’enrôlât dans les ventes du carbonarisme. Par un concours de circonstances très-regrettables, quoique fort innocentes en elles-mêmes, une portion de la droite se trouvait enlacée dans une organisation occulte à peu près semblable, et ses chefs en attendaient, pour la cause monarchique et religieuse, les plus merveilleux résultats, comme si les armes utiles aux uns pouvaient toujours profiter aux autres. Formée durant l’empire, afin d’assister Pie VII captif à Fontainebleau, par une union secrète d’efforts