Page:Carné - Souvenirs de ma jeunesse au temps de la Restauration.djvu/39

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furent pas, d’ailleurs, les étudiants qui reçurent le contre-coup le plus sensible des événements du dehors et des débats parlementaires : ce contre-coup atteignit surtout les maîtres, et, parmi ces derniers, ceux-là même dont le dévouement à la monarchie légitime avait été le plus éprouvé. MM. Michaud et Lacretelle, qui paraissaient aux grands jours dans l’amphithéâtre de la rue de l’Estrapade, pour y prononcer des allocutions où respirait la foi royaliste la plus ardente, y furent un soir accueillis par des applaudissements frénétiques. C’était au lendemain de l’éclatante protestation faite par l’Académie française, dont ils étaient membres, contre un projet de loi sur la presse présenté par M. de Peyronnet. Mais un plus grand scandale était à la veille de s’accomplir dans cette salle sur laquelle flottait un large drapeau fleurdelisé, et dont les bancs étaient garnis par une jeunesse considérée au pavillon Marsan comme la suprême espérance de l’avenir. M. le duc de Rivière, gouverneur de Mgr le duc de Bordeaux, y vint faire la visite annuelle dont il honorait l’établissement des Bonnes Études. À l’entrée du noble personnage, les cris de : Vive la charte ! balancèrent tellement les cris de : Vive le roi ! qu’une consternation visible se peignit sur le visage des fondateurs de l’œuvre, si mal récompensés de leurs peines. Ils semblaient tous répéter en chœur le mot attribué au propriétaire désappointé de l’oiseau dressé à Rome pour saluer le triomphe de Jules César : Opera et impensa perdidi.

Les opinions monarchiques de ma famille et les