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Page:Carné - Souvenirs de ma jeunesse au temps de la Restauration.djvu/53

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La jeunesse de l’époque de la Restauration, si prodigue d’enthousiasme, ne rappelle par aucun trait celle que la France a vue, sous le second Empire, assister à la chute de toutes ses croyances politiques, en y perdant jusqu’à ses passions. Cette génération-là aurait accompagné à l’échafaud les sergents de la Rochelle aussi résolument qu’elle conspirait à Saumur et à Belfort, et ses admirations n’étaient pas moins sincères que ses haines. Elle pouvait, dans ses exaltations fort condamnables, s’exposer à renverser un bon gouvernement ; mais elle n’aurait préparé la France ni pour les hontes de la dictature, ni pour celles de l’invasion : ce ne fut qu’après la chute des institutions constitutionnelles, qu’on vit le sol se couvrir tout à coup de ces agarics à végétation luxuriante, qui ont donné à l’administration la moisson des fonctionnaires à poigne, et à l’armée celle des généraux capitulés.

Un pareil obscurcissement des intelligences, une telle dégradation des âmes, ont été le produit fatal de causes multiples, dont aucune n’avait encore agi d’une manière sensible durant l’époque de la Restauration. La richesse publique était grande, sans doute, sous le ministère de M. de Villèle, où le 5 p. 100 touchait à 125 fr. ; mais, ni la lèpre du bien-être, ni l’impudence de la spéculation systématiquement favorisée, n’avaient encore développé l’impure pléthore qui a paralysé la nation en face de l’étranger comme en face de l’anarchie.

Les étudiants de 1825, qui, après avoir fait queue de grand matin sous le péristyle glacial du Palais-Bourbon, pour suivre les débats parlementaires, dan-