Page:Carné - Souvenirs de ma jeunesse au temps de la Restauration.djvu/66

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d’un mot malheureux de M. de Bonald, me demander, avec une sorte d’horreur, comment une assemblée chrétienne avait pu laisser dire que le sacrilège étant, par son énormité, un crime placé au-dessus de tout châtiment humain, il ne fallait voir, dans la peine de mort réclamée par la loi nouvelle, qu’une simple déclaration d’incompétence suivie du renvoi du coupable devant son juge naturel.

J’avais un peu plus de vingt ans au moment où cette fièvre générale agitait la France, qui s’y laissait aller sans inquiétude dans la confiance d’un avenir dont elle se croyait alors assurée, et je commençais à pénétrer dans cette société de Paris qui ne retrouvera jamais ni le sérieux mouvement d’esprit, ni les convictions à la fois sincères et passionnées de ce temps-là.

Dans l’isolement où me confinait ma résidence chez un parent octogénaire, j’aurais éprouvé quelque difficulté pour m’y faire admettre, si une porte hospitalière ne s’était heureusement ouverte devant moi à mon entrée dans le monde. Mon père eut la bonne pensée de m’envoyer une lettre d’introduction pour l’un de ses arrière-cousins, alors député et gentilhomme de la chambre, avec lequel il avait débuté, en 1780, dans le régiment de l’Île-de-France, mais qu’il n’avait pas revu depuis la dissolution de l’armée des princes.

Le comte Charles d’Hautefeuille avait, et a conservé jusque dans la plus extrême vieillesse, le cachet de haute et simple distinction attaché à la bonne compagnie française. Il venait d’épouser mademoiselle de Beaurepaire, entrée dans la vie en poursuivant des