Page:Carné - Souvenirs de ma jeunesse au temps de la Restauration.djvu/75

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l’autorité monarchique en Europe. Celle-ci était alors représentée, près de la cour des Tuileries, par des agents d’élite, amis très-sincères de la France, tous heureux d’y vivre comme hommes du monde, et tous en harmonie, comme hommes politiques, avec le principe du gouvernement près duquel ils étaient accrédités. Le comte Pozzo di Borgo, ambassadeur de Russie, lord Grandville, ambassadeur d’Angleterre, le prince de Castelcicala, ambassadeur des Deux-Siciles, le spirituel comte de Lowenjielm, ministre de Suède, mort doyen du corps diplomatique, étaient résolument dévoués à la maison de Bourbon et à l’alliance française. Si je nomme en dernier lieu le comte Apponyi, ambassadeur d’Autriche, c’est pour ajouter que sa maison, si noblement ouverte, fut le centre de toute la bonne compagnie française, moins encore par l’éclat naturel d’une grande situation que par des habitudes de bon goût, qu’on aurait aimé à y croire indestructibles.

Le corps diplomatique se réunissait beaucoup alors dans un salon tenu sans appareil par une femme d’un commerce sûr et charmant. La marquise de Montcalm, sœur du duc de Richelieu, avait groupé autour d’elle, à la mort de ce ministre universellement regretté, les hommes qui furent ses collègues dans deux cabinets, et les nombreux étrangers de distinction liés avec l’ancien gouverneur d’Odessa, devenu président du Conseil. À la modération politique de son frère, madame de Montcalm unissait une égalité de caractère et une douceur de langage qui seyaient