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CHAPITRE PREMIER.

principes généraux de l’analyse infinitésimale


1. Il n’est aucune découverte qui ait produit dans les sciences mathématiques une révolution aussi heureuse et aussi prompte que celle de l’analyse infinitésimale ; aucune n’a fourni des moyens plus simples ni plus efficaces pour pénétrer dans la connaissance des lois de la nature. En décomposant, pour ainsi dire, les corps jusque dans leurs éléments, elle semble en avoir indiqué la structure intérieure et l’organisation ; mais comme tout ce qui est extrême échappe aux sens et à l’imagination, on n’a jamais pu se former qu’une idée imparfaite de ces éléments, espèces d’êtres singuliers, qui tantôt jouent le rôle de véritables quantités, tantôt doivent être traités comme absolument nuls, et semblent, par leurs propriétés équivoques, tenir le milieu entre la grandeur et le zéro, entre l’existence et le néant[1]

  1. Je parle ici conformément aux idées vagues qu’on se fait communément des quantités dites infinitésimales, lorsqu’on n’a pas pris la peine d’en examiner la nature ; mais, dans le vrai, rien n’est plus simple que l’exacte notion de ces sortes de quantités. Qu’est-ce, en effet, qu’une quantité dite infiniment petite en mathématiques ? Rien autre chose qu’une quantité que l’on peut rendre aussi petite qu’on le veut, sans qu’on soit obligé pour cela de faire varier celles dont on cherche la relation.

    Quelles sont dans une courbe, par exemple, les quantités dont on veut obtenir la relation ? Ce sont, indépendamment des paramètres, les coordonnés, les normales, sous-tangentes, rayons de courbure, etc. Eh bien, les et sont des quantités infiniment petites, non parce qu’on les regarde en effet comme très-petites, ce qui est fort indifférent, mais parce qu’on les considère comme pouvant devenir encore plus petites, quelque petites qu’on les ait supposées d’abord, sans qu’on soit obligé de rien changer à la valeur des autres quantités dont nous venons de parler, et qui sont celles dont on cherche la relation.

    Or il suit de cette seule définition, que toute quantité infiniment petite peut se négliger dans le cours du calcul, vis-à-vis de ces mêmes quantités dont on