Page:Carnot - Réflexions sur la métaphysique du calcul infinitésimal, 1860.djvu/13

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Heureusement cette difficulté n’a pas nui au progrès de la découverte ; il est certaines idées primitives qui laissent toujours quelque nuage dans l’esprit, mais dont les premières conséquences, une fois tirées, ouvrent un champ vaste et facile à parcourir. Telle a paru celle de l’infini, et plusieurs géomètres en ont fait le plus heureux usage, qui n’en avaient peut-être point approfondi la notion ; cependant les philosophes n’ont pu se contenter d’une idée si vague : ils ont voulu remonter aux principes ; mais ils se sont trouvés eux-mêmes divisés dans leurs opinions, ou plutôt dans leur manière d’envisager les objets. Mon but dans cet écrit est de rapprocher ces différents points de vue, d’en montrer les rapports, et d’en proposer de nouveaux.


2. La difficulté qu’on rencontre souvent à exprimer exactement.

    cherche la relation, sans que le résultat du calcul puisse en aucune manière s’en trouver affecté.

    En effet, en négligeant, par exemple, dans le cours du calcul ou , par comparaison à l’une quelconque des quantités dont on cherche la relation, comme ou , l’erreur que l’on commet est aussi petite qu’on le veut, puisqu’on est toujours maître de rendre et aussi petites qu’on le veut. Donc si le résultat demeurait affecté de cette erreur, on pourrait y atténuer cette même erreur autant qu’on le voudrait, en diminuant de plus en plus les valeurs de et  : donc ce résultat contiendrait nécessairement ou , ou quelques-unes de leurs fonctions ; ce qui n’est pas, comme on le sait, et ce qui ne saurait être, puisque ces quantités ne font point partie de celles dont on veut obtenir la relation : elles n’entrent dans le calcul que comme auxiliaires, et ce calcul n’est regardé comme fini, que du moment où ces auxiliaires en sont toutes éliminées. C’est donc dans cette double propriété, 1o. de pouvoir toujours être rendues aussi petites qu’on le veut ; 2o. de pouvoir l’être sans qu’on soit obligé de changer en même temps la valeur des quantités dont on veut trouver la relation, que consiste le véritable caractère des quantités infiniment petites. C’est faute d’avoir fait attention à la seconde de ces propriétés, qu’on a laissé si longtemps sans réponse directe et satisfaisante, les objections captieuses, qui ont été si souvent renouvelées contre l’exactitude de la méthode leibnitzienne. Car ce n’est pas répondre directement, que de se borner à faire voir dans chaque cas particulier la conformité des résultats de cette méthode avec ceux des autres méthodes rigoureuses, telles que celle d’exhaustion, celle des limites, ou l’algèbre ordinaire ; c’est éluder la difficulté, et rejeter, pour ainsi dire, parmi les méthodes secondaires, celle qui doit tenir le premier rang, autant par la rigueur même de sa doctrine, qui sous ce rapport ne le cède à aucune autre, que par la simplicité de sa marche, par où elle l’emporte incontestablement sur tous les autres procédés connus jusqu’à ce jour.