Page:Carnot - Réflexions sur la métaphysique du calcul infinitésimal, 1860.djvu/164

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20. On peut voir par tout ce qui précède que l’analyse ne diffère point de la synthèse, comme on le suppose ordinairement, en ce que celle-ci n’opère que sur des quantités connues, tandis que l’analyse opérerait sur les quantités inconnues comme si elles étaient connues, mais bien en ce que cette dernière opère réellement sur les quantités négatives comme si elles étaient positives, ce que ne fait jamais la synthèse, quoiqu’elle opère aussi bien que l’autre sur les quantités inconnues. C’est précisément cette différence qui donne à l’analyse un si grand avantage sur la synthèse, parce qu’elle englobe sous une même formule générale tous les cas pour lesquels il faut à l’autre autant d’examens et de formules particulières, celle-ci n’employant jamais que les véritables quantités qu’elle veut comparer, et ne les comparant jamais que directement ou par l’intermédiaire d’autres quantités effectives comme elles. L’analyse, au contraire, prend souvent pour termes de comparaison entre les véritables quantités des êtres imaginaires, de pures formes algébriques ; mais ces formes algébriques portent toujours avec elles l’indice qui sert à les éliminer au moyen de diverses transformations qui tendent sans cesse à apurer le calcul, en le ramenant aux formes explicites, sans lesquelles il resterait inutile, comme un calcul non achevé.

On ne peut s’empêcher de reconnaître, comme nous l’avons dit au commencement de cette Note, une grande analogie entre ces procédés et ceux de l’analyse infinitésimale. Celle-ci parvient à son but par des erreurs qui se compensent, l’autre par des hypothèses contradictoires qui se corrigent l’une par l’autre. Dans la première, les quantités infinitésimales ne sont que des quantités auxiliaires qu’il faut nécessairement éliminer pour obtenir les résultats cherchés ; dans la seconde, les quantités négatives isolées et les imaginaires ne s’emploient de même qu’auxiliairement et comme des instruments qui deviennent absolument étrangers à l’édifice, une fois qu’il est construit.


FIN.