Page:Carnoy - Littérature orale de la Picardie.djvu/90

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blasphème, un grand bruit se fit entendre dans la cheminée et un petit homme aux pieds fourchus roula dans les jambes du paysan en poussant un joyeux éclat de rire.

— « Ah ! ah ! ah ! ah !

— Hé bien ! Qui vous rend si joyeux, monsieur, et pourquoi vous introduisez-vous ainsi chez moi par la cheminée ?

— D’abord, je te dirai que je ne suis pas un monsieur, à moins qu’il ne te plaise de m’appeler monsieur le diable ; ensuite, si je m’introduis chez toi par la cheminée, c’est que j’ai des raisons pour le faire, raisons qu’il ne me plaît point de t’indiquer. Mais arrivons au fait.

— Je vous écoute, monsieur le diable.

— Voilà. Tu vas tirer au sort demain matin et je sais que tu dois ramener un mauvais numéro. Tu seras soldat pendant sept ans, sept ans !… y penses-tu bien ? Je n’ai pas besoin de te dire combien tu seras malheureux, obligé d’obéir au premier caporal venu, mis à la salle de police ou à la prison pour la moindre faute, mal nourri, exposé à la chaleur, au froid, que sais-je ? Et puis la guerre viendra, tu iras te faire tuer je ne sais où et pour je ne sais quoi. Et puis encore il te