Page:Caro - George Sand, 1887.djvu/128

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pendant de longs mois sa compagnie vagabonde et qui, depuis, avaient grandi. De là lui vint tout naturellement au cœur le goût de la bucolique et de l’idylle qui apparaissent dans presque toutes ses œuvres et qui deviendront même, à un moment de sa vie, un refuge contre les émotions violentes de la politique et comme un genre privilégié. C’est alors que, en face des injustices sociales dont elle était blessée, elle évoquera l’image de la vie champêtre et le tableau des intérieurs rustiques ; elle transportera de la scène du monde, qu’elle a jugée artificielle, sur une scène aussi humaine et plus naturelle à son gré, le conflit des passions et les drames du cœur, qu’elle poursuit toujours. Mais elle y transportera aussi quelques-unes des illusions de son imagination ; elle n’y verra bien souvent que des types embellis ou rectifiés de paysan poète, prêtre de la nature, officiant, bénissant les travaux de la campagne, ou de paysanne vertueuse, sentimentale, chevaleresque, héroïque même (comme Jeanne, la grande pastoure). C’est de la poésie, assurément, et si sincère qu’elle paraît naturelle. Balzac et les romanciers modernes concevront autrement les paysans et les peindront avec une âpreté dure, même féroce, de pinceau ; ne sera-ce pas une exagération dans un autre sens ? Ce que je reprocherais plus volontiers à George Sand, ce n’est pas sa peinture du bon paysan, qui, après tout, a sa réalité, pourvu qu’on l’aide un peu à se dégager d’une enveloppe de sensations et d’impressions vulgaires, c’est sa