Page:Caro - George Sand, 1887.djvu/143

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Lansac absent dans la chambre nuptiale. Et de là une des plus incroyables folies qui puissent traverser une imagination exaltée, cette scène capitale de la nuit de noces entre Valentine malade, aliénée d’elle-même, tombée par désespoir dans une sorte de somnambulisme, et Bénédict, qui passe près d’elle les heures troublantes de la nuit, s’exaltant de la présence aimée, livré à toutes les furies de la passion, qu’heureusement une série de hasards transforme en un inoffensif et délirant monologue. Tout cela est bien étrange. « Il ne faut pas oublier, dit Mme Sand ingénument, que Bénédict était un naturel d’excès et d’exception. » Il le prouvera jusqu’à la fin, à travers des incidents sans nombre, des surprises et des rendez-vous manqués, jusqu’à un meurtre absurde, jusqu’au coup de fourche qui atteint le héros par suite d’un ridicule malentendu. Toute cette seconde partie du roman est une série de drames vulgaires et forcenés où l’invraisemblable tue l’intérêt. Le charme s’est évanoui. Mais qu’il était grand, irrésistible dans la première partie du livre !

George Sand avait elle-même conscience de cette impulsion étrange qui la portait à un romanesque exagéré : « Je déclare aimer beaucoup, disait-elle dans le préface de Lucrezia Floriani, les événements romanesques, l’imprévu, l’intrigue, l’action dans le roman… J’ai fait tous mes efforts, cependant, pour retenir la littérature de mon temps dans un chemin praticable entre le lac paisible et le torrent… Mon instinct m’eût poussée vers les abîmes,