Page:Caro - George Sand, 1887.djvu/155

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in. Il les secoue avec bonheur et se retrouve tout entier, quand la crise philosophique est terminée, soit dans les descriptions de paysages, qui, dans Lélia, sont d’un art merveilleux, soit dans les peintures de caractères, dès que l’écrivain sort de ces régions d’une demi-réalité à peine consistante, quand il touche terre, quand il se prend à la vie ou qu’il s’égaye d’une de ces situations qu’il a inventées (comme les diverses rencontres de voyageurs dans Teverino). Il y a là des parties de dialogues très vives, spirituelles, d’autres très élégantes, des remarques et des conversations pleines d’un esprit de belle tournure et de bonne compagnie, même quand les personnages sont équivoques. On n’a peut-être pas assez remarqué cette qualité de l’esprit dans le style de George Sand : « Les romantiques, a-t-on dit, n’ont pas connu la bonne plaisanterie : ni Chateaubriand, ni Lamartine, ni Vigny, ni Hugo, ni Balzac, ni George Sand. » Cela n’est pas tout à fait juste pour Mme Sand. Elle n’avait pas d’esprit dans la conversation, elle ne savait pas plaisanter en causant. Mais tout changeait quand elle avait la plume à la main. Elle suivait alors, d’un trait rapide, les conversations qu’elle entendait au dedans d’elle-même ; elle s’y absorbait, et, dans ces improvisations qu’elle recueillait de ses interlocuteurs imaginaires, le naturel, la grâce, la verve, la finesse ingénieuse abondaient ; la force de la situation se dessinait si vivement en elle, qu’elle semblait n’être qu’un écho ; mais la voix intérieure qui lui