Page:Caro - George Sand, 1887.djvu/175

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sens gaulois. Elle l’admirait plus que de raison chez les autres, tout en le comprenant avec une certaine peine ; il lui fallait un effort d’attention pour en saisir le jeu et s’habituer à ces surprises qu’il lui causait toujours. D’elle-même, elle serait restée volontiers en dehors de ces fantaisies étourdissantes, de ces vives saillies, de cette gymnastique alerte de l’idée, de ces attaques et de ces ripostes où excellaient quelques-uns de ses contemporains et de ses amis ; elle aurait fait, parmi eux, triste figure si l’on n’avait connu d’ailleurs la haute valeur de cette intelligence. Je me la représente difficilement dans ces fameux dîners de chez Magny, où se réunissaient alors les plus brillants jouteurs de la plume ou de la parole. Elle-même craignait, en y allant (ce qu’elle ne manquait pas de faire chaque fois qu’elle passait par Paris), d’y apporter de l’embarras pour les autres et de la gêne dans cette conversation éblouissante, paradoxale, qui ne laissait pas de l’étonner. « Je vois, grâce à vous, écrivait-elle à l’un de ses plus zélés correspondants, le dîner Magny comme si j’y étais. Seulement il me semble qu’il doit être encore plus gai sans moi ; car Théo[1] a parfois des remords quand il s’émancipe trop à mon oreille. Dieu sait pourtant que je ne voudrais, pour rien au monde, mettre une sourdine à sa verve. Elle fait d’autant plus ressortir l’inaltérable douceur de l’adorable Renan, avec sa tête de Charles le Sage. » On ne se figure

  1. Théophile Gautier.