Page:Caro - George Sand, 1887.djvu/191

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nespérée de faire connaissance intime avec son procédé de travail, dont les résultats m’avaient toujours étonné par leur abondance non moins que par leur exacte régularité. À cette époque de sa vie, elle faisait au moins son petit roman tous les ans, avec une pièce de théâtre. « Ne voyez en moi qu’un vieux troubadour retiré des affaires, qui chante de temps en temps sa romance à la lune, sans grand souci de bien ou de mal chanter, pourvu qu’il dise le motif qui lui trotte dans la tête, et qui, le reste du temps, flâne délicieusement. »

J’avais étudié avec soin son œuvre ; deux caractères m’avaient frappé : l’étonnante facilité du talent, poussée jusqu’à la négligence, et l’absence trop visible de composition dans ses meilleurs romans. Elle s’aperçut clairement que même au point de vue purement littéraire, en dehors des questions de fond, pendant que je lui parlais de mes impressions, j’y mettais des réserves. Elle parut mécontente, non que je fisse des réserves, mais que je les gardasse pour moi ; elle me demanda une franchise entière. Je m’expliquai donc, comme je le devais, sur ces deux points avec sincérité. Elle m’en remercia et poussa la critique bien plus loin que je ne le faisais moi-même, ce qui me donna une idée très favorable de sa nature littéraire, avide de vérité et assez forte pour résister aux tentations subalternes de la flatterie. En réveillant mes souvenirs et les complétant par les nombreuses confidences qui remplissent ses lettres les plus intéressantes, je suis arrivé à me