Page:Caron - Deux voyages sur le Saint-Maurice, 1889.djvu/107

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 105 —

courons sur le rivage, approchons-nous du pied de la chute ; voyez comme la Grand’Mère est imposante ; quelle masse d’eau ! quel bruit ! quels mouvements tumultueux ! Savez-vous qu’ici on a une manière particulière de faire la pêche ? Il n’y a pas besoin d’hameçons, ni d’appâts, encore moins de rets : ayez seulement votre panier au bras. Entrez dans le remous, au pied de la chute, vous voyez de belles carpes, n’est-ce pas ? Eh bien ! prenez celles que vous voudrez, avec vos mains, elles ne se sauveront pas. Elles sont comme abasourdies par le bruit et le mouvement de l’eau, et avant qu’elles aient eu le temps de se reconnaître, elles sont déjà dans votre panier. Je n’ai jamais pris un poisson au bout d’une ligne, mais je n’en doute nullement, je serais capable de pêcher de cette façon-là.

Quand Monseigneur eut bien examiné les travaux du canal, nous retournâmes chez M. Théophile Larue. Ce monsieur nous reçut avec sa gentillesse ordinaire, et il eut surtout l’heureuse idée de nous faire servir un dîner excellent. Il est vrai, il se plaignait de ce que le chemin de fer ne lui avait pas emporté tels et tels mets déjà achetés, mais nous trouvions, nous, qu’il ne manquait rien. Les preuves de notre sincérité furent très visibles et très fortes.

Après le dîner, nous prenons plaisir à nous asseoir un instant au belvédère, sur le bord du Saint-Maurice, au pied d’un mat où flotte un grand pavillon ; puis l’heure déjà avancée nous oblige à traverser le fleuve. M. Larue vient nous reconduire, et c’est M. François Lacroix, de La Tuque, qui gouverne notre barge. Nous sommes tout heureux de faire la connaissance de M. Lacroix ; sa dame nous a si bien reçus quand nous sommes passés à La Tuque !

Arrivés de l’autre côté, nous trouvons plusieurs voitures, dont deux nous sont spécialement destinées. Nous disons adieu à nos amis de la Grand’Mère, et nous partons pour le Lac-à-la-Tortue, par un chemin tout neuf mais bien roulant cependant. Nous félicitons de ce beau travail M. Léandre Houle, qui vient de le construire pour la Compagnie de pulpe du Saint-Maurice. Par ce chemin nouveau la Grand’Mère n’est